Mali
Le centre du Mali, où au moins 132 civils ont été massacrés dans des attaques imputées à des djihadistes affiliés à Al-Qaïda, est l'un des principaux foyers de la violence qui sévit au Sahel.
Le centre de ce pays au profil totalement asymétrique est une notion assez floue qui a fluctué au fil des années. Cela correspond peu ou prou aux régions de Mopti et Ségou, un espace de centaines de kilomètres du nord au sud et d'est en ouest, sorte de seuil entre d'une part la capitale Bamako et le sud avec des populations plus sédentaires, et d'autre part Tombouctou comme porte du désert du nord avec ses populations nomades.
C'est un creuset entre Mali, Mauritanie et Burkina Faso, où vivent des communautés pastorales à majorité peul, parfois touarègues, des agriculteurs sédentaires, à majorité dogon et bambara, et des pêcheurs bozo. Ils ont cohabité pendant des siècles, sur fond d'antagonismes récurrents à propos de la terre et des ressources comme l'eau. La région connaît une descente aux enfers depuis 2015.
La violence partie du nord du Mali en 2012 a touché le centre en 2015 avec l'installation de la Katiba Macina, menée par le prédicateur peul Amadou Kouffa et affiliée à Al-Qaïda. Le groupe, qui veut imposer une société islamique, a largement recruté à l'époque parmi les Peuls, marginalisés, avant de diversifier. Avec son émergence ont été ranimés ou avivés les vieux ressentiments entre communautés.
En réponse à la prolifération des violences se sont constitués des groupes proclamés d'autodéfense. Le plus connu est la milice dogon, Dan Nan Ambassagou. Elle a été dissoute après avoir été accusée d'avoir commis un massacre à Ogossagou (160 morts en 2019) mais continue à opérer.
Ces groupes et l'armée régulière s'affrontent constamment. Les civils sont les premières victimes, payant le prix des amalgames et des représailles. Quand ils ne sont pas attaqués, ils sont pris en otages.
La localité de Boni est depuis un mois sous blocus des djihadistes qui accusent la population de collaborer avec l'armée, selon des sources locales. L'armée a été accusée par des ONG de collaborer ponctuellement avec Dan Nan Ambassagou contre les djihadistes. Elle est aussi régulièrement accusée d'exactions contre les civils, y compris par l'ONU.
La localité de Moura a été le théâtre fin mars de ce que Human Rights Watch décrit comme le massacre de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L'armée malienne dément et revendique l'élimination de plus de 200 djihadistes.
Les circonscriptions de Bankass et Koro, le long de la frontière avec le Burkina Faso, paient un lourd tribut. "Après des attaques à répétition en 2019, les villages peuls s'y sont quasiment tous vidés", dit un fonctionnaire international de l'ONU à Bamako.
A Ogossagou, dans le cercle de Bankass, 160 Peuls ont été massacrés en mars 2019 et à nouveau une trentaine en février 2020. Une trentaine de Dogons ont été tués dans l'attaque de quatre villages en juillet 2020.
Des accords locaux signés entre les différentes communautés, début 2021, ont permis une accalmie. Ils ont instauré de facto un modus vivendi avec les djihadistes et une relative sécurité contre une acceptation de la présence et, dans une mesure variable, de leurs règles, disent des experts.
Si les djihadistes n'ont pas signé ces accords, ils les ont endossés et "validés", dit un chercheur malien s'exprimant sous le couvert de l'anonymat comme cela est devenu courant au Mali.
"Les accords impliquaient (entre autres) la libre circulation des personnes, la tenue des foires (de vente de bétail), la possibilité pour les agriculteurs de retourner à leur champ, la possibilité d'ouvrir un dialogue avec les groupes armés pour une solution négociée dans la commune", dit Ousmane Diallo, d'Amnesty International.
L'État central est resté discret sur ces accords.
En décembre, l'armée a lancé une vaste offensive dans le centre. Elle mené début juin une opération à Diallassagou et tué six djihadistes, a-t-elle dit sur les réseaux sociaux. Deux sources locales évoquent la présence d'"éclaireurs" issus de Diallassagou.
Dix jours plus tard, les habitants de cette commune signataire des accords étaient attaqués, et au moins 132 ont été tués.
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